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Retour sur les conférences CCE 2025

Les Conférences CCE : enjeux interculturels, internationaux et numériques

Madame Galbrun-Noel, marraine du master M2i et CCE et Monsieur Siguier, CCE

I – Définition : que sont les Conférences CCE ?

Ce sont des événements organisés par des Conseillers du Commerce Extérieur, des professionnels et bénévoles souvent issus du secteur privé. Leur rôle est d’accompagner l’État dans le développement des entreprises françaises, notamment dans leurs projets d’exportation, d’attirer, de sensibiliser et former les jeunes aux opportunités et aux enjeux internationaux. Ces professionnels, nommés par le ministre chargé du commerce extérieur, partagent leur expertise en matière de commerce international, sur les métiers de l’export, transmettent de bonnes pratiques et informent sur les politiques économiques et les stratégies d’exportation que le gouvernement peut adopter et mettre en place. Ainsi, la notion d’internationalité est au cœur de leurs fonctions.

De plus, les intervenants opèrent le plus souvent dans des universités, des écoles ou lors d’événements économiques divers, ce qui permet de créer des « passerelles » entre le monde du travail et celui de l’éducation universitaire.

II – Conférence du 3 octobre 2025 – Les parcours et les pratiques du commerce international

Les étudiants de M1 et de M2 ont participé à l’intervention de Monsieur Joël Chassagne, Directeur des Douanes et du Contrôle des Exportations au sein de l’Imprimerie Nationale.

La première conférence à laquelle ont assisté les étudiants de M1 et de M2 du Master M2i a été ouverte par Madame Galbrun-Noel, marraine du Master et elle-même conseillère du Commerce Extérieur de la France, et par Monsieur Buckwalter et Monsieur Duran-Froix, co-directeurs du Master.

S’en sont suivies 3 interventions que nous allons vous présenter :

La première est celle de Monsieur Arthur BARILLAS DE THÉ, Président-directeur général chez OVRSEA avec comme titre « Entreprendre dans le commerce international — Comment réussir en étant jeune diplômé »

Monsieur Barillas De Thé

Qui est cet intervenant du CCE ?

Monsieur Barillas De Thé est un entrepreneur et fondateur de la société OVRSEA, une entreprise de transport international de marchandises créée en 2017. Il exerce en tant que commissionnaire de transport international de fret. Selon le Ministère de l’Aménagement du territoire et de la Transition écologique, un commissionnaire de transport est tout prestataire de services qui organise librement et fait exécuter, sous sa responsabilité et en son nom propre, le déplacement des marchandises d’un lieu à un autre, en choisissant librement les modes et les moyens de transport.

Sa vision entrepreneuriale

Pour lui, créer une entreprise est à la portée de chacun. Ce n’est donc pas une question d’expérience professionnelle, de terrain, de compétences techniques ou d’intelligence particulière. Lancer une entreprise ou un projet n’est donc pas réservé à une élite ni à des personnes ayant suivi un parcours académique prestigieux. De nombreux entrepreneurs ont d’ailleurs commencé sans diplôme ni expérience professionnelle spécifique. Ce qui compte avant tout, ce sont l’envie, les idées, la motivation, la capacité et la volonté à apprendre.

Souvent, il y a des personnes qui souhaitent lancer leur entreprise, mais font machine arrière car elles ont une image faussée de l’entrepreneuriat. Monsieur Barillas De Thé explique qu’il ne disposait pas d’un capital économique important lorsqu’il s’est lancé, mais insiste sur l’idée que créer une entreprise à plusieurs, notamment avec des personnes que l’on apprécie, rend l’aventure bien plus simple et amusante. Il a fondé son entreprise avec 5 amis alors qu’il était encore étudiant. Aucun d’entre eux n’avait d’expérience dans le secteur du transport international de marchandises ni dans l’entrepreneuriat. Il ne disposait d’aucun réseau dans ce domaine, ce qui n’a pourtant pas été un frein au développement et à la réussite de son entreprise.

Aujourd’hui, elle compte plus de 130 salariés, 70 millions de chiffre d’affaires, des bureaux en France ainsi qu’à l’international aux États-Unis, en Italie et en Espagne. En 2026, elle devrait compter plus de 1 000 salariés, dont 80% à l’extérieur de la France, et devrait être présente dans de nouveaux pays, notamment la Chine.

Ainsi, la croissance d’une entreprise ne dépend pas uniquement des connaissances que l’on a sur le monde de l’entreprise ou d’un secteur en particulier, mais repose avant tout sur la volonté, le travail et l’entraide entre associés. Cela dépend également de la spécialisation de chacun d’entre eux pour que tous se complètent dans la réalisation des tâches.

L’investissement privé joue aussi un rôle essentiel dans le développement d’une entreprise : il renforce la confiance des investisseurs, permet de lever des fonds et d’accroître le capital social. L’idée est d’apporter quelque chose de nouveau ou de se différencier lorsque l’on crée une entreprise. L’engagement et le travail sont importants pour créer une entreprise et construire une réussite solide. « Rome was not built in a day. »

Le métier de commissionnaire de transport

Dans le commerce international, des transactions sont réalisées entre un acheteur et un vendeur situés dans des pays différents.

Le rôle du commissionnaire de transport est de s’assurer que la marchandise parvienne à bon port en coordonnant son acheminement pour le compte d’un client, sans effectuer lui-même le transport. En d’autres termes, il agit comme un intermédiaire entre le client et les différents transporteurs.

Le commissionnaire de transport peut gérer les formalités administratives et douanières ; il organise l’ensemble de la chaîne logistique, choisit les modes et les moyens de transport les plus adaptés, négocie les tarifs avec les transporteurs et assure le suivi des expéditions des marchandises. En cas de problème (retard, perte, etc.), il engage sa responsabilité puisqu’il est responsable de l’exécution globale du transport et donc de l’acheminement des marchandises à son client.

La deuxième est celle de Joël CHASSAGNE, Directeur Douanes et Contrôle des Exportations pour l’Imprimerie Nationale, « L’évolution de l’environnement douanier »

En quoi consiste le métier de Joël Chassagne ?

Le Directeur des Douanes et Contrôle des Exportations de l’Imprimerie Nationale supervise et sécurise les opérations d’importation et d’exportation de documents officiels (cartes d’identité, passeports, titres de séjour, permis de conduire) en veillant au respect des règles douanières et des lois sur le commerce international. De plus, il collabore avec les autorités compétentes pour que la protection des documents officiels soit garantie.

Les douanes sont un service de l’État qui contrôle les échanges de marchandises aux frontières (importations et exportations) notamment par le biais de taxes douanières, ce qui permet de protéger les frontières, les consommateurs mais aussi de favoriser les recettes de l’État. Ainsi, elles permettent de fluidifier et simplifier les échanges internationaux

En 1952, l’Organisation mondiale des douanes a été créée dans le but de fournir des règles d’harmonisation des processus aux pays membres. Voici ci-dessous le nombre de membres, et les dates correspondantes à leur entrée dans l’organisation.

Des intérêts étatiques et commerciaux sont évidemment en jeu avec les barrières douanières. (Par exemple, Donald Trump, par l’instauration de fortes taxes douanières, veut protéger son économie en faisant payer la facture aux sociétés étrangères).

Quoi qu’il en soit, les douanes font partie du commerce international et sont essentielles pour vérifier les normes de certains produits, identifier les contraintes éventuelles et surtout l’idée est de protéger les consommateurs finaux.

L’objectif est de favoriser le développement de l’entreprise en anticipant les évolutions réglementaires sur les droits de douane. Dans un monde de plus en plus instable (guerres
commerciales, crises sanitaires, transition écologique), la douane reste au cœur des enjeux
économiques et géopolitiques du XXIe siècle.

On parle de bilatéralité de la matière douanière :
Pour les États la matière douanière est devenue un levier stratégique pour réguler, protéger et
orienter.
Pour les industriels : gérer, optimiser et s’adapter. Il faut respecter les règles et rester compétitif.

Enfin, celle de Fabien SIGUIER, Directeur des Richesses Humaines (DRH) chez Adisseo « Leadership et éthique en entreprise internationale »

Multicultural leadership and ethics

L’interculturalité et le leadership sont au cœur de l’entreprise Adisseo, qui est une entreprise française spécialisée dans la nutrition animale. Elle produit et commercialise des additifs destinés à l’alimentation des animaux d’élevage, afin d’améliorer leur croissance, leur santé et la qualité des productions agricoles. Son objectif est de favoriser une production animale plus efficace, plus durable et plus respectueuse de l’environnement.

Adisseo intervient entre les fournisseurs de céréales et la production animale afin de faire en
sorte que les animaux aient une alimentation adaptée et de réduire le nombre de végétaux
consommés.
Adisseo est présente dans plus de 60 pays et a de nombreux collaborateurs : l’entreprise compte plus de 100 nationalités différentes.

Lorsqu’on travaille avec des collaborateurs venant de pays différents, la manière de négocier n’est pas la même. L’idée est de s’intéresser à la culture de l’autre en essayant de comprendre son comportement (gestuelle, culture, les mots, les spiritualités et l’éducation) et d’identifier ce que l’on peut en tirer.

Monsieur Siguier nous a ensuite parlé d’Erin Meyer, une chercheuse canadienne qui a travaillé sur différents axes : La communication (low context et high context); l’évaluation (retours directs ou indirects d’un feedback); le leadership (égalitaire ou hiérarchique); la prise de décision (consensuelle ou top down), la confiance (basée sur la relation ou sur la tâche), la gestion des désaccords : (confrontation ou évitement des confrontations), la gestion du temps (linéaire ou non).

La culture n’est pas le reflet d’un comportement universel :
Erin Meyer a fait des études statistiques là-dessus : il y a une moyenne, un comportement qui peut souvent revenir par pays, mais il ne faut pas prendre ça comme la réalité du comportement de chacun en tant qu’individu. En clair, cela n’exclut pas de découvrir les individus.

Deux citations à retenir : « He who is different from me does not impoverish me – he enriches me » Antoine de Saint-Exupéry. « Be yourself, everyone else is already taken. » Oscar Wilde.

III – Conférence du 10 octobre 2025 – Les mutations stratégiques de l’économie mondiale

David AVRAM, Directeur du Développement International chez Fives « L’impact des grands enjeux géopolitiques du moment sur l’internationalisation d’un groupe industriel »

L’entreprise Fives est un groupe fondé en 1812 en réaction à un événement géopolitique : la guerre napoléonienne contre l’empire britannique, ce qui a eu pour conséquence un embargo empêchant l’Europe continentale d’être approvisionnée en sucre. L’entreprise a permis de créer une alternative : le sucre de la betterave. Le groupe a également accompagné 2 révolutions industrielles en proposant des innovations (machine à vapeur, machine hydraulique, etc.).

Aujourd’hui, nous faisons face à une troisième révolution industrielle avec la digitalisation et la décarbonation.

De nos jours, Fives est une entreprise industrielle française spécialisée dans la conception et la réalisation de machines, d’équipements et de lignes de production pour différents secteurs d’activité.

Fives est présent dans plusieurs secteurs industriels allant de la conception à la mise en route.
9200 collaborateurs dont 87 nationalités différentes, ce qui témoigne de l’internationalité de l’entreprise.

Perle BAGOT, Co-fondateur de HUB Institute « L’évolution ou la révolution de l’IA : quelles perspectives ? »

La géopolitique a un impact majeur sur la vie et la croissance des entreprises. 80% des entreprises mondiales déclarent que la géopolitique affecte directement leurs décisions d’investissement ou de localisation de production, risque et coût.

« Celui qui maîtrisera l’intelligence artificielle dominera le monde » : citation de Poutine en 2017.
En 2025, l’IA est un levier stratégique qui redéfinit les rapports de force géopolitiques.
Plusieurs plans d’investissement dans l’IA à travers le monde : 500 milliards de dollars annoncés par les États-Unis, puis la France a annoncé 109 milliards d’euros d’investissement. L’Europe a ensuite présenté l’Invest AI plan : 200 milliards d’investissements. C’est donc une véritable course à l’IA qui s’opère et dont chacun veut la plus grosse part du gâteau.

Pour développer l’IA, il faut des talents humains en les formant et en en attirant davantage : Majeure répartition entre les USA, l’Europe et la Chine (« Autosuffisance en matière d’IA est une priorité nationale », citation du président chinois) : énorme rapport de force entre ces pays.
Par ces plans d’investissement, la volonté d’un leadership mondial sur l’IA n’a jamais été aussi élevée. Aux États-Unis, tout cela vient renforcer les GAFAM car ce sont les seules entreprises qui ont les capacités d’investissement et de calculs.

Par ailleurs, la Chine rattrape les États-Unis en matière d’IA grâce au programme AI+ : leur objectif d’ici 2027 est que 70% des secteurs clés devront avoir intégré des usages liés à l’IA. En 2030 ce sera 90% d’entre eux !

De l’IA générative à l’agentisation : L’intelligence artificielle a d’abord pris la forme de simples chatbots, mais elle évolue désormais vers des agents intelligents : des programmes autonomes capables de planifier, d’exécuter et d’enchaîner des tâches de manière proactive. Ces agents deviennent de véritables assistants numériques, conçus pour accompagner et soutenir l’utilisateur dans ses activités quotidiennes.

Risques et limites à anticiper : L’essor de l’IA s’accompagne de nombreux défis : prolifération des deepfakes et des fausses informations, impacts sur l’emploi, enjeux de confidentialité, risques de plagiat dans l’éducation, ainsi que des questions éthiques et sécuritaires majeures.
Dans ce contexte en constante évolution, la valeur que les individus peuvent créer dépend directement de leur capacité à s’adapter. Aujourd’hui, la durée de vie moyenne des compétences n’est que de 2 à 3 ans. Demain, ce n’est plus la seule maîtrise du savoir qui comptera, mais surtout l’agilité et la faculté à évoluer en permanence.

Eric DELANNOY, Directeur des Partenariats Industriels et Commerciaux chez Thales « Intelligence économique – le cas d’Alstom »

Alstom est une entreprise française spécialisée dans la construction de systèmes de transport ferroviaire comme les trains à grande vitesse, les métros, les tramways et les locomotives. Elle est connue notamment pour avoir conçu le célèbre TGV en 1981, symbole de la haute technologie ferroviaire française.

L’entreprise joue un rôle majeur dans la transition vers des mobilités plus durables. Elle investit fortement dans la R&D pour proposer des solutions innovantes, comme les trains à hydrogène, destinés à remplacer les modèles fonctionnant au diesel.

En avril 2013, Frédéric Pierucci, directeur des ventes mondiales de la division chaudières d’Alstom, est arrêté à l’aéroport JFK de New York par le FBI. Il est accusé de corruption internationale dans le cadre d’un contrat en Indonésie, spécifiquement le projet Tarakan, pour lequel des pots-de-vin auraient été versés à des responsables publics indonésiens afin d’obtenir le marché.

Cette arrestation survient dans un contexte où General Electric négocie l’acquisition de la branche énergie d’Alstom, un secteur stratégique pour la France. Certains observateurs considèrent cet événement comme un exemple de guerre économique menée par les États-Unis contre la France. Le gouvernement français de François Hollande a joué un grand rôle dans cette affaire en exprimant son soutien à Pierucci, mais a également dû faire face à des négociations concernant la vente de la branche énergie d’Alstom à General Electric. Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, a joué un rôle clé dans l’approbation de cette vente. Cette affaire soulève des questions sur l’extraterritorialité des lois américaines et leur impact sur les entreprises européennes.

Merci à l’Université Paris Nanterre, à Madame Galbrun-Noel, Monsieur Duran-Froix, Monsieur Buckwalter et aux différents intervenants qui ont accepté de donner de leur temps pour transmettre leurs savoirs, leurs différentes visions de l’entreprise et du monde dans lequel on évolue face à des enjeux géopolitiques de plus en plus conséquents et à une révolution technologique de grande ampleur.

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